30 septembre Arte 20h50
Avec : Gong Li (Songlian, la quatrième épouse), He Caifei (Meishan, la troisième épouse),Cao Quifen (Zhuoyun, la deuxième épouse), Jin Shuyuan (Yuru, la première épouse), Ma Jingwu (le maître Chen), Kong Lin(Yan’er), Cui Zhihgang (Docteur Gao), Chu Xiao(Feipu)
Synopsis
La Chine du nord dans les années 20. Songlian, 19 ans, est contrainte d’abandonner ses études à la mort de son père. Pour subvenir à ses besoins, elle se résigne à devenir la quatrième épouse du riche maître Chen. Arrivée dans la demeure de ce dernier, elle est aussitôt impliquée dans les luttes intestines auxquelles se livrent les autres épouses. Avec pour enjeu la lanterne rouge, signe de la faveur du maître, et donc du pouvoir dans la maison.
On r’fait le film
« Epouses et concubines », constitue le troisième volet de la trilogie où Zhang Yimou se consacre à la couleur rouge. Le titre anglais « Raise the Red Lantern » rend davantage cette volonté de jouer sur la symbolique d’une couleur comme l’indiquait déjà « Le Sorgho rouge ». L’omniprésence de lanternes rouges à l’image souligne d’évidence le penchant du cinéaste pour l’esthétisme ainsi que du jeu sur les symboles qui l’accompagne.
« Epouses et concubines » va prolonger également le thème récurent du cinéaste pour la lutte de la femme contre l’oppression masculine. Le film s’ouvre sur un plan-séquence montrant le visage d’une jeune femme, Songlian (Gong Li) :
Songlian : - « Mère arrêtez ! Vous parlez depuis trois jours. J’ai bien réfléchi. D’accord, je me marierai »
La mère : - « Bien, avec qui ? »
Songlian : - « Avec qui ? Ais-je le choix ? Vous parlez toujours d’argent. Pourquoi pas un homme riche ? »
La mère : - « Si tu épouses un homme riche, tu ne seras que sa concubine »
Songlian : - « Laissez-moi être une concubine. N’est-ce pas le destin d’une femme ? » (Une larme coule sur son visage alors qu’on entend une musique traditionnelle chinoise).
Séquence d’ouverture on ne peut plus claire sur ce que l’on veut dénoncer, à savoir le manque absolu d’alternative pour une femme en Chine. La mise en scène du cinéaste travaillant sur la sobriété du plan-séquence (On reste sur le visage de Songlian, sans se laisser distraire par un contre-champ sur le visage de la mère) indique immédiatement une grande maîtrise de la narration cinématographique. On connaissait déjà le talent de Zhang Yimou avec ses deux films précédents et ici, il confirme dès les premières secondes, notamment dans la seconde séquence où l’on aperçoit au loin dans une forêt un cortège qui suggère que Songlian est emmenée vers sa nouvelle vie, quand tout d’un coup, elle apparaît dans l’image, valise à la main, regardant le cortège s’en aller et décide d’emprunter le chemin dans la direction opposée qui nous amène pourtant vers sa demeure de concubine. On apprendra plus tard qu’une voiture était venue la chercher et qu’elle a décidé de venir à pied vers sa « prison ». Extraordinaire mise en scène qui joue du contre-pied, tout en simplicité, en indiquant que Songlian reste maîtresse d’elle-même malgré ce qui lui arrive, suggérant qu’elle ne compte pas subir la suite des événements sans broncher. Et tout ça, en deux plans et sans un mot !
La suite du film est travaillée en huis clos à l’intérieure de la demeure traditionnelle et ancestrale, où Songlian va apprendre à lutter contre les autres épouses qui ne vivent que d'intrigues, de complots et de mensonges, tentant d’exister tant que faire se peut au sein d’une situation dégradante et humiliante. Le lieu ressemble à un univers carcéral où va se jouer une tragédie en trois actes et un épilogue rythmé par les saisons. Le scénario est subtilement écrit, tiré d'un recueil de trois nouvelles par un jeune auteur de l’époque, Su Tong. On se retrouve dans un drame, certes, mais toujours en distanciation par la géniale mise en scène de Zhang Yimou. Par exemple, comme c’était le cas pour la mère de la séquence de préambule, on ne verra jamais le visage du maître des lieux, ce qui favorise l’imagination sur le travail des symboles. La caméra filme autant les paysages que les lieux que les objets que les personnages, alternant sans cesse l’intérêt du regard. Zhang Yimou faire vivre un décor très étroit et un récit minimaliste avec brio, unissant le fond magnifiquement avec la forme. On garde longtemps en tête les sublimes images de cette demeure traditionnelle et de ses lanternes rouges, le tout illuminé par le charisme incroyable de Gong Li, qui fait plus que confirmer. C’est avec ce film que Zhang Yimou signe véritablement son premier chef-d’œuvre, réussissant en plus à exploser à la face du monde. Il gagne le Lion d’argent à la Mostra de Venise pour couronner le tout. Magnifique !!!
Sous la loupe et pour le plaisir - La puissance du lieu
Songlian, à l'approche de sa nouvelle demeure. Derrière elle, un mur et des écrits qui la domine, suggérant la force de l'endroit. Elle regarde en l'air la toute puissance du lieu qui l'accueille.
Songlian est arrivée et pose sa valise. Dos à elle, la caméra nous suggère ce qu'elle voit et ressent, à savoir encore la toute puissance du lieu, froid, sans vie.
Songlian, première fois en gros plan depuis son arrivée. Même si pour la première fois, l'humain domine le lieu sur l'image, le visage craintif de Songlian qui regarde vers le haut suggère encore et toujours la puissance du lieu.
Enfin de la vie. Mais la place qu'occupe la personne dans l'image est dérisoire. Encore et toujours la puissance du lieu.
Les deux personnages dans le même plan, totalement dominés par l'endroit...
Comme elle paraît minuscule....
Comme ils paraissent minuscules...
Les plans se multiplient offrant toujours l'avantage au décor sur l'humain. Ici, il est clairement mis à l'avant-plan...
Songlian entrant dans le pavillon qui lui est destiné. Ici, la puissance du lieu est suggéré par les nombreuses lanternes rouges qui dominent le plan.
Oui, pourquoi ?
... Car elles font partie intégrante du lieu...
Centrales dans ce lieu.
Puissantes....
Elles illuminent le lieu, puissantes et dominantes, rejetant l'humain hors du plan !