SAVING FACE de Alice Wu (2004)
Avec Michelle Krusiec, Joan Chen, Lynn Chen, Jin Wang, Guang Lan Koh, Jessica Hecht, Ato Essandoh, David Shih, Brian Yang, Nathanel Geng, Mao Zhao, Louyong Wong, ... Synopsis
Will, une jeune new-yorkaise de 28 ans, vit avec sa mère, Ma, à New York. Elle travaille énormément et sa mère ne comprend pas ce dévouement total à son emploi de médecin qui la prive de réelle vie sociale. Un jour, Will tombe amoureuse de Vivian, une autre jeune femme...
On r’fait le film
Belle petite surprise que ce film américain indépendant s’intéressant à une communauté chinoise américaine. Un film américain qui ressemble davantage à un film asiatique dans les symboles et le style qu’il adopte. L’être humain qui se confronte à la marche de l’Histoire, voilà bien un thème récurrent dans le cinéma asiatique qui établit très souvent des liens entre passé et présent pour raconter ses histoires. Et « Saving face » plonge en plein dans cette confrontation entre les générations avec la caractéristique, ici, que tout se passe en Amérique. Grande est la difficulté pour les anciens d’accepter l’américanisation de la nouvelle génération. Ils n’y voient que décadence. Alice Wu, réalisatrice, mais également auteur, montre bien la différence de perception entre les générations, avec les vieux qui conçoivent la vie dans la douleur et le sacrifice et les plus jeunes, tiraillés entre cette austérité et le plaisir.
Le scénario de « Saving face » fonctionne comme les poupées russes, avec l’emboîtement des idées : une femme se fait jeter par son père car elle est enceinte d’un enfant sans père et rejette sa propre fille parce que celle-ci est lesbienne. Un autre exemple de cet emboîtement dans la manière de parler successivement des communautés avec le portrait des chinois en Amérique puis celui des lesbiennes dans la communauté chinoise d’Amérique.
« Saving face » se profile comme un excellent témoignage sociologique et cinématographique ayant pour thème principal la tolérance. Le ton est léger, proche de la comédie, sans aucune lourdeur ou stéréotype grossier. Il s’agit d’un film de femme qui s’intéresse à un problème de femmes et au lesbianisme. Elles occupent la majeure partie de l’espace sur écran, les hommes ne jouant que les seconds plans. Mais là aussi, la réalisatrice ne tombe pas dans la lourdeur grossière dans ce rapport déséquilibré entre les sexes. Oui, c’est un regard de femmes sur les hommes et leur intolérance, mais observé dans la légèreté, en finesse et finalement avec beaucoup d’humanité. Dans cette observation que l’on pourrait croire à sens unique, il existe des balanciers narratifs comme par exemple le personnage du jeune noir démontrant la propre intolérance de la jeune fille qui était perçue jusqu’alors comme simple victime.
Très bien écrit, très bien mis en scène, très bien joué. Que du bonheur en somme. Au passage on remerciera Will Smith de s’être impliqué financièrement dans ce beau projet.