ROIS ET REINE de Arnaud Desplechin (2003)
Avec :
Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Catherine Deneuve, Maurice Garrel, Nathalie Boutefeu, Jean-Paul Roussillon, Catherine Rouvel, Magali Woch, ...
Synopsis
Nora (Emmanuelle Devos) a trente cinq ans et un fils, Elias. Elle s’apprête à épouser un homme riche, correct, « qui lui convient » comme elle l’affirme. Ismaël (Mathieu Amalric) est un musicien légèrement suicidaire, qui vient de se faire interner dans un hôpital psychiatrique à cause d’un mystérieux tiers. Avant, tous les deux se sont aimés, à la folie. Aujourd’hui, il souffre au grand jour alors qu’elle reconstruit à tout prix. Jusqu’au jour où son père qu’elle aime tant doit mourir, brusquement.
On r’fait le film
L’homme et son universalité où chacun est lié à une humanité bien plus grande que lui-même. Desplechin voit grand en jouant autour de thèmes fondamentaux tels que l’amour, la mort, la filiation, la quête d’identité.
Le temps présent, fruit du temps passé, hier et aujourd’hui, inséparables. « Rois et reine », merveilleux travail de mémoire, s’accrochant aux mythes classiques pour exprimer la tragi-comédie moderne où l’homme est assujetti à une chaîne généalogique. L’homme vu dans sa globalité complexe sur une ligne du temps, l’homme qui côtoie ses fantômes. Desplechin ou l’art de l’ensemble, du groupe, avec des personnages pour s’inventer une famille fictive. Le cinéaste s’inscrit dès lors au sein d’une famille cinématographique qui ne regardait l’homme qu’au travers du groupe : Renoir, Sautet, Kusturica, Hawks, Katsuhito, Wes Anderson. Belle filiation !
Et puis cette capacité extraordinaire d’humaniser son propos en plongeant dans le dérapage humain, parfois jusqu’à l’horreur, le temps d’un plan ou d’un monologue. : une fille montre un visage horrifié le temps d’un plan très court lors d’une conversation. Un père écrit une lettre de haine envers sa fille. Un homme refuse d’adopter un enfant. Desplechin ose pénétrer la souffrance humaine avec tout ce qu’elle possède parfois d’horreur. Un regard sans concession, lourd et léger à fois, car le cinéaste n’oublie jamais de sourire de son propos dans cette tragi-comédie moderne bourrée d’audace et d’humanité. Desplechin ou le cinéma dépressif burlesque.
Attention, un cinéaste énooooooooooorme est né. Tant mieux pour la France qui en manque cruellement.
Sous la loupe et pour le plaisir - L'homme et son universalité
Sous le générique, une voix off : "Zeus aimait la belle Léda, épouse du mortel Tyndare, neuvième roi des Spartes. Il l'aborda sous la forme d'un Cygne". Deux rois pour une reine. Paroles qui nous renvoie aux mythes grecs et plus globalement à une mémoire collective, aux souvenirs universels.
Premier plan s'ouvrant sur un point de vue en contre plongée, vers le ciel et le sommet des arbres. Des panneaux de signalisations indiquent la présence de la civilisation. Les mortels en dessous de Zeus ?
Le point de vue descend à hauteur des hommes et de la civilisation, tout en gardant un oeil sur le ciel.
Le point de vue se focalise sur une femme, Nora, exemple de mortelle de la civilisation
...Ayant rapidement une pensée et un regard pour le "ciel"
Elle s'arrête un moment devant une boutique exposant des dessins de mythologie.
Nora s'intéresse à une gravure de Léda
La chambre de son fils, et un poster représentant des dinosaures, renvoyant à la mémoire d'un lointain passé des mortels.
Nora face son père, son passé mortel, sa mémoire vivante.
Le père écrit sur sa fille, sa mémoire vivante, son futur mortel.
Nora offre la gravure de Léda à son père, transmition de la mémoire universelle d'une fille à son père.