KEOMA d’ Enzo G. Castellari (1976)
Avec : | Franco Nero, Woody Strode, William Berger, Donald O'Brien, Olga Karlatos, Giovanni Cianfriglia, Orso Maria Guerrini, Gabriella Giacobbe, Antonio Marsina, ... |
Synopsis
Shannon, un « pistolero » légendaire, a recueilli plusieurs années auparavant un petit enfant indien, Keoma, qu’une vieille femme lui avait confié. Mais ses trois fils légitimes ont très mal accepté le nouveau venu. Keoma, de retour de la guerre, ne retrouve plus rien de son passé, et découvre le village de son enfance ravagé, sous la domination d’une bande sans foi ni loi…
On r’fait le film
Enzo Castellari : "Le grand succès remporté par le film a pu faire penser à une renaissance. En réalité, il s'agissait davantage d'un chant du cygne pour le genre." Au milieu des années 70, le western spaghetti et le cinéma italien sont à l’agonie, contré par le succès du petit écran. Pour beaucoup, « Keoma » constitue le dernier dinosaure du genre. Quentin Tarantino, par exemple, a souvent cité Enzo G. Castellari au rang de ses influences.
Enzo Castellari : "Keoma est un film-somme, inspiré de tous les films que j'avais aimés... mais réinterprétés à ma façon ! Par exemple, la rencontre avec cette allégorie de la mort constitue ma citation du « Septième sceau » d'Ingmar Bergman. Quant au discours prononcé après la mort du père, il m'a été inspiré par la composition de Marlon Brando en Marc-Antoine, dans le « Jules Cesar » de Mankiewicz. Mais malgré cette conception au jour le jour, le film peut être perçu comme homogène". Clair que l’on ressent aisément des influences tout azimut à la vision du film parmi lesquelles on peut également noter Leone, Peckinpah, Ford, Corbucci et la Bible. Le personnage de Keoma fait immédiatement penser au Christ, par exemple dans la séquence où Keoma se retrouve attaché à une roue, qui renvoie à l’image de la crucifixion. Castellari, lui, indique que cet aspect ne lui est apparu qu’après coup. Etrange, tout comme le résultat final, qui il est vrai, propose une homogénéité et une originalité surprenantes. Une très grande richesse narrative offrant une multitude de symboles propices à diverses interprétations. A certains moments, on atteint des sommets, notamment dans la relation qui unit Keoma et la vieille sorcière dans ce qui apparaît comme qu’une merveilleuse représentation allégorique de la mort, à l’influence bergmanienne. A d’autres moments, le dialogue offre quelques lourdeurs : « A quoi ça sert de faire la guerre ? ». Mais dans l’ensemble, c’est plutôt haut de gamme.
Le sommet du travail se situe dans la mise en scène. On sent Castellari amoureux de l’ellipse narrative. Aller vite, gagner du temps à tout prix pour une efficacité maximale ! Le montage extrêmement rythmé et audacieux confine parfois à l’exercice de style. La séquence où Keoma adulte retrouve l’enfant qu’il fût, par le biais d’un montage alterné dans le temps, offre un sommet d’efficacité, surtout pour l’époque. Castellari, l’amoureux d’esthétisme, maître du cadrage et du décor, nourrissant chacun de ses plans d’originalité et de vie. Par exemple, le cadre est constamment obstrué par un élément ou l’autre pour construire une nouvelle perspective à l’image. Castellari, le cinéphile de bon goût, qui pique allègrement le coup du ralenti à Sam Peckinpah. Et il en use et abuse, sans complexe ! Aujourd’hui les cinéphiles avertis le nomment d’ailleurs Slo-Mo Enzo ou le Peckinpah italien.
Keoma, œuvre magique qui perpétue très bien l’atmosphère désenchantée propre au western spaghetti.