L’ARMEE DES 12 SINGES de Terry Gilliam (1995)
Avec Bruce Willis, Madeleine Stowe, Brad Pitt, Christopher Plummer, Jon Seda, Joseph Melito, David Morse, Michael Chance, Vernon Campbell, H. Michael Walls, ...
Synopsis
Nous sommes en l'an 2035. Les quelques milliers d`habitants qui restent sur notre planète sont contraints de vivre sous terre. La surface du globe est devenue inhabitable à la suite d'un virus ayant décimé 99% de la population. Les survivants mettent tous leurs espoirs dans un voyage à travers le temps pour découvrir les causes de la catastrophe et la prévenir. C'est James Cole, hanté depuis des années par une image incompréhensible, qui est désigné pour cette mission.
On r’fait le film
Même avec de gros budgets comme c’est le cas pour ce film, Gilliam ne perd pas son âme en route. Gilliam a une idée fixe qui se retrouve dans toutes ses œuvres : refuser la réalité et plonger dans l’onirisme, dans l’imaginaire, le fantastique. Quand il reçoit beaucoup d’argent pour lancer un projet, il le met au service de son obsession. Tout son art consiste à offrir au spectateur la possibilité de se mouvoir dans une autre dimension, hors réalité, tout en gardant de la crédibilité. « L’armée des 12 singes » invite à ce voyage à travers plusieurs dimensions, offrant la possibilité de se mouvoir à l’intérieur de plusieurs points de vues.
Dans cette immersion dans le l’univers du rêve, rapidement la question de la crédibilité se pose. Impossible de ne pas garder un point de vue réaliste dans cette bulle fantastique. Gilliam comprend extrêmement bien cette donne comme on a pu le constater dans d’autres films tels que « Fisher King » par exemple, où le personnage « fou » interprété par Robin Williams est regardé du point de vue « réaliste » du personnage interprété par Jeff Bridges. Dans « Brazil », Gilliam permettait à son personnage de se mouvoir entre un univers archi réaliste et archi onirique, pour bien opposer les deux mondes tout en choisissant son camp. Dans « L’armée des 12 singes », Bruce Willis voyage sans cesse entre deux mondes fictifs, jusqu’à perdre confiance sur la crédibilité de son existence. La narration pose clairement la notion de folie et entre totalement dans les thématiques du metteur en scène. Comment offrir un monde onirique authentique au spectateur, sans le perdre en route, sans passer pour un fou ? Comme les mondes « réalistes » et « oniriques » sont associés dans la narration et mis en perspective, le cinéma de Gilliam représente sur cette thématique ce qui s’est fait de plus sérieux et de plus approfondis avec ceux de David Lynch et de Tim Burton.
Maintenant, le récit de « L’armée des 12 singes » pose tout de même problème dans sa structure de narration, en opposant son postulat et sa conclusion. En effet, il est difficilement concevable de croire que les messages laissés sur le répondeur des scientifiques ne soient pas arrivés dès le début du récit puisqu’on nous indique à la fin que tout était joué d’avance. Un grave problème de crédibilité de scénario qui n’enlève cependant pas une haute qualité d’écriture. Car si on oublie cette incohérence, tout le reste du scénario fonctionne à merveille, alliant le souci du détail, les questions fondamentales d’un cinéaste et le plaisir qu’offre un spectacle de divertissement en forme de thriller haletant. De plus, le film s’inscrit dans un hommage appuyé à « Vertigo » d’Alfred Hitchcock, dans le fond comme dans la forme, dans son questionnement sur la folie sur fond de suspense. Certainement pas le film le plus important de Gilliam, mais qui permet à un plus large public d’entrer dans son univers très particulier toute en gardant une cohérence dans la continuité symbolique de son œuvre.