BREVE HISTOIRE D’AMOUR de Krzysztof Kieslowski (1988)
Avec Grazyna Szapolowska, Olaf Lubaszenko, Stefania Iwinska.
Synopsis
Tomek, 19 ans, épie de la fenêtre de son appartement Magda, femme d'une trentaine d'années, qui habite l'immeuble d'en face. Pour attirer son attention, il lui passe des coups de téléphone anonymes et lui envoie, du bureau de poste où il travaille, des convocations sans motifs. Il se décide enfin à l'aborder, et lui avoue qu'il l'observe depuis des mois.
On r’fait le film
« Brève histoire d’amour » est la version cinématographique de « Tu ne seras pas luxurieux », sixième épisode créé pour la télévision polonaise du décalogue de Kieslowski. Ce décalogue est une transposition moderne des dix commandements. Cet épisode était tellement abouti que Kieslowski décide d’en faire un vrai long-métrage pour le grand écran, avec une vision qui laisse croire à un peu plus d’optimisme que dans la version télévisée.
« Tu ne sera pas luxurieux », thème de « Brève histoire d’amour », déborde complètement de son fil conducteur initial en offrant un casier à plusieurs tiroirs. Le point de départ est la perversité qui unit les deux personnages centraux très opposés. Lui est voyeur, elle, fille légère. Un autre point commun qui unit les deux personnages est la solitude. Une solitude qu’ils vivent complètement différemment. Lui, il a elle qu’il regarde à son insu. Elle, voit défiler des hommes différents, plus pour satisfaire ses plaisirs que pour vivre un véritable amour. Pour combler la souffrance de la solitude, Kieslowski choisit d’unir un frustré et une hédoniste.
Des deux personnages principaux, on ne connaît rien ou presque. Kieslowksi choisit de cibler exclusivement la rencontre. Une rencontre qui s’établit dans les silences, sournoisement et à distance. En effet, la première partie du film se passe avec Tomek qui épie Magda avec une longue vue. Trois grands thèmes vont ensuite se dégager de cette rencontre perverse née de la solitude : le voyeurisme, l’amour et le mouvement.
« Le voyeurisme » connaît ici une de ses plus belles représentations cinématographiques, qui se situe au niveau de « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock et de « Blue Velvet » de Lynch. Sans doute par la mise en scène très dépouillée et la simplicité avec laquelle Kieslowski joue des séquences alternées entre Tomek qui observe et Magda qui est observée, le tout baigné sous une musique magnifique qui remplace le silence des mots. Kieslowski réussit à faire parler les images très simplement tout en faisant exploser les sentiments qu’elles génèrent.
L’amour est représenté sous formes très diverses. L’amour léger, pervers, pur, platonique. Tomek a beau être un voyeur, son amour pour Magda est extrêmement pur. Il n’a jamais connu de fille et elle est vraiment son premier amour. Il va générer des actes extrêmes en relation avec densité de ses sentiments envers elle. Magda a beau avoir plongé dans l’hédonisme, elle va se rendre compte petit à petit de l’importance de la pureté des sentiments de Tomek envers elle. Il s’agit ici d’un amour pervers qui se transforme en amour pur. Sur le thème de l’amour platonique, « Brève histoire d’amour » est un des plus grands films de l’histoire du septième art.
« L’amour pervers qui se transforme en amour pur ». La transformation se situe dans un thème sur le mouvement, que l’on connaît par ailleurs très bien dans le cinéma asiatique et chez David Lynch. Ici, dans « Brève histoire d’amour », il s’agit d’un mouvement qui part de la perversité pour rencontrer la pureté, rejoignant ainsi parfaitement l’idée de départ d’une adaptation cinématographique des dix commandements qui tend à rendre l’homme meilleur. En effet, après leur épreuve et leur transformation, Tomek et Magda sont devenus meilleurs.
La perversion, la solitude, l’amour, le voyeurisme, le mouvement, autant de thèmes importants abordés hors des sentiers battus, avec une simplicité et un talent énorme.